Se blesser dans son sport... ta faute, celle du prof... la faute à qui?

Je vous propose un questionnement qui me taraude un peu.

Le contexte:
Une de mes amies prof de yoga s’est s’est bloqué le dos. Et devinez comment elle s’est blessée……. EN FAISANT DU YOGA !
Non seulement elle avait mal, mais elle a eu la double peine de s’être sentie honteuse et coupable: ses proches et élèves la renvoyait à sa “contradiction” '=>“tu es prof de yoga et tu t’es blessée avec ta pratique”. Le message sous-tendu est claire: alors qu’elle (et nous, profs de yoga), prône une sorte de solution miracle du bien-être et de la santé avec le yoga, elle s’est blessée à cause de lui.

Suite à ça, une de mes nouvelles élèves en ligne m’a dit qu’elle venait de se faire mal au dos en pratiquant un de mes cours…
Je me suis sentie coupable, responsable, et ai voulu remettre en question mon enseignement: “est ce que je n’avais pas assez bien échauffé lors de cette séance? qu’ai-je mal fait?”

Sans chercher à me déresponsabiliser, j'ai essayé de réfléchir en prenant du recul. Et je me suis interrogée sur l’image qu’on a du yoga.

Pour beaucoup, faire du yoga= être à l’écoute de soi, prendre soin de soi, se renforcer et s’étirer donc => impossible de se blesser.
Mais lorsque ça nous arrive quand même de nous blesser:

• soit on se blesse dans le quotidien, et là on pense: “je n’ai pas assez fait de sport”  “je ne suis pas assez renforcée, gainée…” “c’est à cause de ma posture”
• soit on se blesse dans la pratique, et c’est plutôt: “j’ai mal fait l’exercice”, “je ne pas pratique pas assez ”, “je suis allée trop loin”, “je ne me suis pas écoutée”..

Le résultat est constant: on pense que c’est TOUJOURS de notre faute! On a trop fait, pas assez fait, mal fait… Et ça nous amène de la culpabilité.

Questionnement:
En fait, cela m’a amené à me questionner sur le message que moi et les autres professeurs de sport et de yoga renvoyons, sûrement sans le vouloir :
=> Oui pour rester en bonne santé, il faut faire du sport. Mais on insiste beaucoup
- trop?- sur le bon mouvement, la bonne dose de mouvement - ni trop, ni trop peu -,  l’attention portée à son corps et ses signaux pour éviter de se blesser à tout prix !

Avec un tel message, la peur de la blessure naît forcément, et forcément, la culpabilité avec elle lorsqu’elle survient.

POURTANT, on sait aussi que le yoga (quel qu’il soit, et le sport en général) n’est souvent pas, d’une part, la cause de nos blessures (il est le reflet et la conséquence de notre quotidien- une position prolongée, une fragilité, un déséquilibre, une répétition de mouvement, un manque d’endurance…) ; mais surtout, qu’il ne nous rend pas invincible!

Oui, pour rester en bonne santé, il faut bouger régulièrement, prêter attention à sa posture et ses mouvements. Mais même en faisant 5h de sport par jour avec des mouvements optimaux et une posture impeccable, on ne sera pas à l’abri de se faire un tour de rein, un jour sans crier gare !

=> Avec une activité physique régulière, c’est vrai qu’on sera mieux armé: on a moins de risque de se blesser avec un mouvement bête du quotidien, et si on se blesse, on récupèrera plus vite. Et on se maintient en bonne santé !
Mais on n’est jamais infaillible, et se blesser fait partie de la vie: on ne pourra pas éviter la blessure un jour ou l’autre...

Aussi est-il sensé de prôner l’éviction à tout prix de la blessure?

D’autant plus que, si l’on dit que dans le yoga, il n’y a pas de recherche de performance, ni d’égo, n’est ce pas ici une autre forme de quête de performance que de vouloir parvenir à bouger, se dépenser, rester en bonne santé SANS JAMAIS SE BLESSER ?  N’est ce pas une tyrannie de la performance que de rechercher les mouvements, la séquence de yoga ultime qui nous protégerait à vie des douleurs et des pannes physiques?

En somme, ce n’est pas parce qu’on se fait un nœud/claquage/tendinite ou autre blessure en pratiquant notre sport que:

1. c’est grave et il faut remettre en question toute notre pratique et/ou blâmer notre sport;
2. c’est de notre faute, c’est qu’on a fait quelque chose de mal (le mouvement en lui même, ou ne pas s’être suffisamment écouté.e)

Conclusion:
=> Deux pistes de réponses à ce questionnement me viennent à l’esprit:

              D’une part, au lieu de prôner l’éviction de la blessure, et l’injonction culpabilisante de ne pas se blesser dans son sport, il sera peut être plus judicieux de prendre du recul sur l’impact du sport sur notre santé à moyen et long terme. Dézoomer un peu de notre blessure, et au lieu de se focaliser sur un bobo, aka un évènement ponctuel, faire un bilan de notre ressenti corporel à plus long terme.

“Est ce que globalement, je me sens mieux dans ma peau, ou mieux dans mon quotidien maintenant que je fais du [yoga ou ajouter ici votre sport]?”

“Est-ce que désormais, je me sens bien au réveil, sans gêne ou tiraillement que j’avais avant?”
"Est-ce que j’ai eu moins souvent mal au [dos/cou/épaules/genou…] que l’an dernier?”

              D’autre part, il est important de rappeler que la douleur est un message nerveux envoyé par le cerveau, qui réagit face à une situation qu’il perçoit comme menaçante pour nous (notre cerveau a pour mission de nous maintenir en vie; lorsqu’il perçoit une menace, il envoie ce message douloureux pour nous le signaler qu’il y a un danger et nous faire réagir).

Les menaces perçues par notre cerveau ne sont pas seulement celles exclusivement mécaniques (c’est à dire les mouvements qui pourraient mal “user” notre corps et nous faire mal), elles sont multifactorielles: elles prennent en compte notre état de stress, notre manque de sommeil, la qualité de notre alimentation… en fait, le contexte globale dans lequel on se meut.  

Se blesser n’est donc pas uniquement le résultat d’un mauvais mouvement, manque ou excès de sport: c’est un message que notre corps nous transmet pour indiquer que quelque chose ne va pas (dans notre quotidien, notre vie), et qu’il faut que ça change !

Alors est-ce que, pour capter ce message important du corps, ce ne serait pas finalement normal de se blesser de temps en temps?

Si cette thématique t'a intéressée, n'hésite pas à m'en parler, me partager ton avis ou ton expérience (en commentaire ici ou par email)!

Et comme je ne veux pas participer à cette “culpabilité de la blessure”, je voudrais  démocratiser un peu le fait de se blesser: faire comprendre que des blessures, on en aura forcément, et ce n'est ni notre faute, ni la fin du monde!

Merci d'avoir lu ces mots, j'espère qu'ils t'ont aidé.e à te déculpabiliser si tu t'es blessé.e dans ton sport.